Thursday, October 4, 2007

Jean - Paul Mestas

Né le 15 Novembre 1925 à Paris (17ème), dans une famille originaire du Centre : Auvergne, Limousin, Périgord.L'enfance et l'adolescence sont en partie vécues en Afrique, jusqu'en 1941. A l'automne de 1941, retrouvant la France comme elle est, tourne la page de la jeunesse à l'issue de la- quelle les diplômes universitaires posent plus de questions qu'ils n'ouvrent de perspectives.
La carrière de ce littéraire s'effectue dans l'Ingénieurie et le conduit au Mahgreb, dans les zones déserti- ques, au Proche - Orient et dans la plupart des pays d' Europe.

Par accident, côtoie les problèmes de l'imprimerie, de l'édition et du journalisme.
Par goût, s'intéresse à la psychophysique et aux développements de la relativité complexe. Par curiosité, professe pour un temps l' histoire de la poésie roumaine à l'Institut Roumain de la Sorbon- ne (Paris IV). Sa connivence avec la poésie s'enracine en 1947, à l'instigation du poète Roger Lannes et du composi-
teur Tony Aubin.
Publie pour la première fois dans la revue Janus , en 1949.
De 1951 à 1976, un trajet appréciable avec Bruno Duroche (Caractères ) dont il fait la monographie.

Puis un long trajet solitaire à la rencontre des pays de l'Est, du monde latino-américain et de l'Asie. De là, acquiert, entre autres, une connaissance sensible du chant universel et en particulier celui de la Grèce, du Portugal et de la Roumanie, du Brésil, de l'Uruguay,du Vénézuéla ,de Haïti ,de l'Amérique,centrale,
de la Corée et enfin de l'Inde.

En 1977 fonde, avec Christiane Mestas, peintre, les cahiers de poésie " Jalons" auxquels collaborent des créateurs remarquables des cinq continents.
Poète, essayiste, traducteur, critique et conférencier, il est l'auteur d'une soixantaine d'ouvrages. Est traduit en 15 langues.

S'engage également dans de nombreux combats pour la défense de la personne humaine : actions en fa- veur de Rudenko, de Sakharov, de Tarnopolski, des Juifs d'U.R.S.S. et des victimes du pouvoir en Ar- gentine, au Brésil, au Chili, en Haïti, au Kosovo, aux Philippines, en Roumanie,au Timor, etc...

Capitale - 1

Ni pour toi ni pour moi
cette ville étrange étrangère
aujourd'hui n'existera plus
que dans le regard d'une rose
en qui renaissent les soupçons
d'un amour exclusif
et des regrets inavouables.

Capitale -2

Et les pluies nous ont reconnus
même après notre longue absence.

Les arbres s'étaient mis en feuilles
un ciel
idiomatique nous tendait
une multitude de mains
parmi lesquelles quelques-unes
ont paru hésitantes.

Seul le silence a deviné
la plus vieille des nostalgies.

Capitale - 3

Soieries...ombrelles...
Et si souvent le bonheur du jour
là où s'enchante encore
un accordéon qui survit
aux caprices de la mémoire.

Abstraite une façade ancienne
ouvre des fenêtres cachées
à l'écho des temps mis à mort.

Une calèche endimanchée
plane sur les toitures...

Capitale - 4

Je te revois un peu partout
Porte n'importe quoi
Montmartre
autres refuges

et tes pas font un bruit
de source dans ma tête

et ton souffle fait revenir
des hirondelles sous mes yeux

et ton bonheur ressuscité
devient une île sur la Seine.

Capitale - 5

Apollinaire est revenu
matin d'Avril
et Roger Lannes
en suivant le canal de l'Ourcq
retrouve un auditoire.

Il fait doux la douceur
réveille les vieux coqs
dont le cri passe en trombe
entre les murs du rêve.

Un soulier de satin
cette fois s'en émeut.

Capitale - 6

Jardins noyés
dans de vieilles réminiscences
ombres d'amantes
oubliées mais dont le soleil
remet les cheveux en musique
ombres des retours imprévus
sur quelques lanternes magiques
affolées de briller encore.

Capitale - 7

J'ai vu que c'était lui
et cru que c'était moi
l'enfant qui souriait
l'enfant
qui était dans la rue
et me tendait la main
l'enfant
d'une capitale endormie...

Capitale - 8

Mais Picabia
Breton
Duchamp
gosses de riches
et les pieds mous
qui crachaient dans la soupe
au moment où la ville
avait les yeux absents
et le coeur lourd.

Capitale - 9

Nous reviendrons.
Je reviendrai.

Les lilas blancs refleuriront
dans les avenues du bonheur
la joie
sera ce qu'elle aurait pu être
en des temps dont je me souviens
comme d'un violon qui chantait
avec la voix des larmes.

Capitale -10

Or nous aurons marché
comme les bus à plateforme
un peu le souffle court
et la voix enrouée
là où s'arrêtèrent un jour
ceux qui croyaient avoir trouvé
leur propre colonne Vendôme

Et nous marchons encore
au bras de nos fantômes.

Capitale 11

Ne me parle pas de la nuit
des nuits
celles qui sont privées d'étoiles
ou beaucoup d'autres qui s'endorment
en ne pensant à rien.

Raconte s'il te plaît
une des plus inoubliables
au-dessus de l'Arc de triomphe
une qu'on a rêvée
tel un geste que rien n'explique.

Capitale - 12

La petite rue qui dansait
celle qui regardait
nous autres
émus d'avoir mis sous la porte
une clef dont on voit
l'émotion briller sous la lune.

Capitale - 13

Et vous l'aviez aimé
plus seul
moins solitaire
en quelque sorte un homme
ayant la lenteur des péniches
et l'orgueil de la Tour Eiffel...
on n'a jamais su qui.

Capitale - 14

Des gares
un peu partout des gares
et tu n'en demandais pas tant
pour aller t'égarer ailleurs
pour survoler ta vie
ou ne plus poser de questions
qu'à des quais maladroits
puis des tunnels aveugles.

La fumée des locomotives
adolescentes a choisi
un ciel sans escarbilles.

Capitale - 15

Il faudra l'oublier
laisser
un pareil homme à ses fantasmes
à ses robes ensorcelées
aux atomes du diable.

Une fontaine séculaire
abolit son regard de glace.

Capitale - 16

Nous parlions bas
la nuit
arrondissait les angles;

les réverbères de jadis
retrouvaient leur emploi
enfin de Sainte-Geneviève
on entendait bruire le temps.

Capitale - 17

Peut-être avions-nous lu
tous les poèmes du bonheur.

La gloire n'aura survécu
aux arômes de l'insouciance
l'amour
écrira donc tout seul
la dernière élégie.